Comment et pourquoi est-ce possible de se passer de sa voiture ?

85% des ménages français ont une voiture. Pour la plupart, il est difficile voire impossible de s’en passer. Selon le chercheur Aurélien Bigot, il faut néanmoins repenser son utilisation et il est possible de diversifier nos modes de transports.

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Aurélien Bigo : repenser les mobilités de demain

Aurélien Bigo : repenser les mobilités de demain

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Ce que la voiture électrique résout, ce qu’elle ne résout pas

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“L’avenir de la mobilité n’est pas seulement la voiture électrique”

“L’avenir de la mobilité n’est pas seulement la voiture électrique”

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Finie la vente des voitures thermiques en 2035. C’est une réglementation européenne qui l’impose afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone. Difficile à imaginer quand on sait l’importance de la voiture individuelle dans notre quotidien.

Pourquoi ? Comment ? La voiture électrique pourra-t-elle remplacer la voiture thermique ? Peut-on diversifier nos modes de transport pour parvenir à des mobilités plus douces, lentes et respectueuses de l’environnement ? Toutes ces questions nous les avons posées au chercheur Aurélien Bigo, spécialisé dans la transition énergétique des transports. Il est l’auteur de l’ouvrage : “Voitures : fake or not”, publié aux éditions Tana.

AirZen Radio. Peut-on vraiment tenir l’engagement de la fin de la voiture thermique en 2035 ?

Aurélien Bigo. Attention, l’interdiction concerne la vente. Cela signifie qu’à ce moment-là, il y en aura encore en circulation et pendant encore quelques années. Ceci dit, l’électrification des voitures est bien en cours. Il y a un boom dans les ventes. On est passé de moins de 2%, en 2019, à 13%, en 2022, pour la part des voitures électriques. Les constructeurs s’y sont déjà bien engagés.

Pourquoi doit-on se passer de la voiture thermique ?

Il est impératif de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour préserver l’environnement et la biodiversité. Il faut qu’à l’horizon 2050 on ne consomme plus de pétrole dans les transports, notamment les transports terrestres. Si d’ici là, il en reste un peu, il vaut mieux qu’ils soient alimentés avec d’autres sources comme les biocarburants… même s’ils ne sont disponibles qu’en faible quantité.

80 à 85% des ménages possèdent une voiture en France. Voire deux pour les plus aisés. Comment en est-on arrivé là ?

On a eu une croissance extrêmement forte depuis les années 50. À l’époque, on était à une voiture pour 25 habitants. Depuis les années 2000, on est à plus d’une voiture pour deux habitants. Pourquoi ? Parce que le pétrole a été suffisamment abondant et bon marché pour alimenter ces voitures très énergivores. Il y a aussi eu dans le même temps une augmentation du pouvoir d’achat. Et puis, c’est à mettre en parallèle avec l’évolution des modes de vie dans les pays occidentaux puisque l’aménagement du territoire s’est fait autour de la voiture.

Hairem/Adobe Stock

On a construit des routes qui ont progressivement remplacé les chemins de fer. Les banlieues se sont étendues et la voiture est devenue la reine du bitume. Idem pour les campagnes. Les trajets du quotidien sont structurés autour de la voiture et des imaginaires se sont construits. La voiture est vue comme un symbole d’indépendance totale, et ce, grâce à la publicité. Or, dans les chiffres, on se rend compte qu’on en est plutôt esclaves.

De nombreux chiffres l’illustrent d’ailleurs dans votre ouvrage. La voiture coûte très cher. Pourtant, elle reste stationnée 23 heures sur 24 en moyenne. Elle est principalement utilisée pour des courtes distances et l’automobiliste roule en moyenne à moins de 30 km/h…

Et on peut se dire que, selon les différents usages de transport, d’autres peuvent apporter une liberté similaire. Le train par exemple, permet d’avoir une autre activité à côté, de se reposer, de dormir. Là où la voiture implique beaucoup de concentration. Le vélo ou la marche peuvent aussi permettre de faire de l’activité physique, de prendre l’air… Encore faut-il, bien sûr, que les infrastructures soient adaptées.

Tout ne se repense pas du jour au lendemain, mais il faut penser nos espaces autour de la notion de proximité. Si je peux faire mes courses, aller chez le médecin ou au travail facilement en train ou à vélo, je n’aurai, de fait, plus besoin de ma voiture.

Dans votre livre, vous écrivez : « L’avenir de la voiture est électrique. Mais la voiture électrique n’est pas l’avenir de la mobilité ». Que voulez-vous dire ?

Il y a deux aspects dans la transition écologique. Il y a l’aspect innovation et technologie. C’est ce qu’il se passe avec la voiture électrique. Elle n’émet que peu de C02, réduit la pollution de l’air et la pollution sonore. Elle permet d’atteindre nos objectifs climatiques. Mais il y a aussi un autre aspect tout autant indispensable : c’est la sobriété. Donc réduire aussi nos déplacements et les repenser. Ce serait illusoire de penser que la voiture électrique remplacera à égalité la voiture thermique car nous n’aurons tout simplement pas assez de ressources en métaux pour en produire et en recharger autant.

Mais alors, à quoi ressembleront nos transports dans le futur ?

Il est indispensable qu’on prenne en compte la qualité de vie et la santé dans nos réflexions autour des mobilités durables. Il faudra mettre l’accent sur la marche et le vélo, avoir des espaces publics mieux partagés, plus silencieux et moins encombrés. Développer les transports en commun, rapprocher nos activités de nos lieux de vie. Et, bien sûr, continuer à travailler sur des voitures moins polluantes et les utiliser autrement. Pourquoi pas en les partageant plus ?